Tant qu’on ne se réalise pas, on n’est pas tout à fait soi. Vérité de La Palisse, direz-vous… Je lisais tout récemment (le 24 mai, 2 jours après une chute de neige dans mes montagnes… aucun rapport!) dans Facebook une remarque de Marc Racine, un coureur de La Foulée qui venait de terminer son 40e marathon à Ottawa: «La course pour moi n’est pas une assurance-vie, mais bien une assurance qualité de vie et bien-être, autant physique que psychologique».
Se réaliser à travers la course à pied? Pourquoi pas? Pourvu qu’on n’oublie pas que le plus important, c’est d’apprécier le chemin vers la destination. Et tant mieux si l’on atteint le haut de l’échelle, l’objectif qu’on s’est fixé. Le secret du succès, c’est de gravir les échelons un à un, car ils sont tous importants. Je n’irais pas jusqu’à dire que courir est une question de survie, mais saviez-vous que l’homme préhistorique devait sa survie à la distance qu’il pouvait couvrir dans une journée pour chasser et ramener son gibier avant la tombée du jour?
Vous croyez cela, vous autres, la mémoire ancestrale? Moi, j’y crois depuis que j’ai lu les romans historiques de Jane Auer avec son héroïne Aïla. Nous naissons avec tout un bagage de nos ancêtres, un bourgeon prêt à éclater au grand jour. Nous n’avons pas à recommencer le cycle de leur apprentissage, nous l’avons en nous: il suffit de le développer. Courir est naturel; ce qui ne l’est pas, c’est la sédentarité. Bouger… Je suis maintenant condamné à le faire: mon nerf sciatique ne me permet plus de passer des heures devant l’ordinateur. Et savez-vous? Ça me plaît énormément! Est-ce que ça met un terme à mes activités d’organisateur de voyages? Oh que non! Ça m’oblige à mieux gérer ma journée.
C’est ce qui arrive avec mon activité de coureur: je suis rendu à l’âge où je m’impose plus de temps de récupération que d’heures d’entraînement. Mon corps me parle, et je l’écoute… un peu! Je lui dois le respect: il m’a bien servi. Mais je ne me vois pas dans des pantoufles, assis dans ma chaise berçante… du moins pas encore! J’ai encore des choses à faire, des rêves à réaliser. Saint-Exupéry écrivait: «Faites que le rêve dévore votre vie afin que la vie ne dévore pas votre rêve».
Je l’aime bien, cet aviateur français disparu lors d’une mission au large de la Corse en 1944. En décrivant le monde imaginaire du Petit Prince, il est revenu à l’essentiel. S’apprivoiser soi-même, soigner sa fleur, inspirer l’harmonie, rechercher l’équilibre en tout… Le respect de tout ce qui nous entoure ne se fait pas sans le respect de soi-même. On est loin de notre passion commune, dites-vous? Mirage! La force de s’imposer cette façon de vivre (se lever pour courir, s’en tenir à son plan d’entraînement, surmonter les blessures…), on la puise dans cette forme de ressourcement, ce retour à la source, à l’essentiel. On se réalise, on devient de plus en plus soi-même.
Pierre Bourassa pour Courir.org